Yaman Kouli a fait des études d’histoire, d’histoire économique et de droit dans les universités de Bielefeld (Allemagne), de Paris VII-Denis Diderot et de Poznań (Pologne). Pendant ces cinq années, il a également appris le polonais à l’Institut national des Langues et Civilisations Orientales (INALCO). Après avoir terminé ses études, il a commencé une thèse de doctorat sur le développement industriel de la Basse-Silésie (1936-1956) – une région polono-allemande – et les effets économiques de l’expulsion de la population allemande sur le niveau de production.
En 2011, il est devenu assistant de recherche du Prof. Rudolf Boch à l’Institut d’histoire européenne de l’université polytechnique de Chemnitz puis a reçu en 2012 une fellowship du Centre scientifique des sciences sociales (Berlin) où il s’est consacré à l’analyse de « l’économie du savoir » et à la question de la nécessité d’une mobilité croissante des entreprises et des travailleurs dans l’économie moderne.
Le projet auquel Yaman Kouli veut se consacrer pendant son séjour au sein du LabEx « Écrire une nouvelle histoire de l’Europe » et de l’UMR SIRICE traite de l’intégration économique en Europe avant la Grande Guerre. Tandis que la plupart des sociologues considèrent l’intégration européenne comme un phénomène dont les racines remontent aux années 1950, un grand nombre d’historiens s’accordent pour estimer qu’elle a en réalité commencé pendant le dernier tiers du long XIXe siècle, à un moment où se manifestent simultanément l’Etat-Nation, la première vague de la mondialisation, l’internationalisme et le début de l’intégration européenne moderne. C’est aussi l’époque où s’amplifie la coopération internationale au niveau des techniques et où se développent les réseaux parmi les scientifiques, les intellectuels et plus largement la bourgeoisie. Or s’il est relativement facile d’analyser chacun de ces phénomènes considéré de façon isolée, il est beaucoup plus compliqué de déchiffrer les relations observables entre ces quatre développements.
Jusqu’à récemment, la coopération européenne a été considérée comme une partie de l’internationalisme. Dans son projet, M Kouli teste l’hypothèse selon laquelle ce processus a été une stratégie devant servir à l’établissement de règles communes qui sont in fine devenues obligatoires au niveau international. En raison de la croissance du commerce international, la concurrence est devenue plus forte. La dépendance au marché mondial a intensifié la concurrence des prix dans les pays participant à la mondialisation de l’économie. Les entreprises ont donc été forcées de réagir et d’élaborer une stratégie. Elles ont pu soit essayer de produire à moindre coût, soit trouver à développer des produits innovants. Cependant, la croissance de l’économie du savoir a accru le risque de vol des innovations. Dans ce contexte, alors que les entreprises devaient décider ou non de prendre le risque d’investir dans les innovations et le capital humain, les accords européens garantissant un environnement stable ont permis de sortir de ce dilemme.
Ces accords ont joué deux rôles. Premièrement, ils ont mis en place des standards européens ainsi que des règles économiques stables. Ils ont réduit le risque d’une économie dans laquelle chaque entreprise fait tout afin de produire moins cher que l’autre, quelles que soient la qualité des produits et les conditions de travail. Sur cette base, les entreprises ont pu investir dans le « capital humain » et dans la recherche et le développement afin de se lancer dans des innovations fondées sur le savoir. Deuxièmement, ils ont joué un rôle dans les relations avec le monde non-européen. Par l’établissement de règles communes dans un monde qui était en train de se mondialiser, ils ont servi à éviter une concurrence des prix trop intensive.
La deuxième partie du projet se concentre sur l’intégration européenne économique de 1900 à nos jours. On sait que le marché mondial avant 1914 était dominé par l’Europe et les États-Unis et la croissance du commerce mondial est bien documentée. Cependant, la littérature existante n’a pas permis d’analyser le cas de pays spécifiques. Par conséquence, un but de ce projet consiste à développer une méthode permettant de mesurer l’intégration économique de l’Europe. De cette manière, il sera possible de comparer les niveaux de l’intégration économique européenne avant la Grande Guerre et après la Deuxième Guerre mondiale. Un tel indice pourrait enrichir la discussion sur le développement de l’intégration européenne.





