Séminaire : Histoire des sciences, histoire de l’innovation. L’innovation dans la poésie scientifique du XIXe siècle

Quand :
13 octobre 2016 @ 17 h 00 min
2016-10-13T17:00:00+02:00
2016-10-13T17:15:00+02:00
Où :
ISCC
20 Rue Berbier du Mets
75013 Paris
France

poesieHugues Marchal, professeur de littérature à l’université de Bâle, membre honoraire de l’Institut universitaire de France

À l’occasion du séminaire Histoire des sciences, histoire de l’innovation (Université Paris Sorbonne, UPMC, LabEx EHNE), il interviendra sur le thème :

L’innovation dans la poésie scientifique du XIXesiècle

 

De la Convention à 1900, la « poésie scientifique » constitue un genre très actif : durant cette période, plus de 500 ouvrages en vers tentèrent de prendre « thème en les connaissances d’alors » (René Ghil). Un tel projet est lié au désir de maintenir un lien entre la poésie et un présent marqué par le développement des sciences et de leurs applications. Si la technicité, voire le prosaïsme de ces motifs rend difficile leur évocation, ils n’en forment pas moins un stock, une « mine » d’objets inédits, que la poésie doit tenter d’aborder, ne serait-ce qu’en raison de leur virginité : Jacques Delille l’explique en 1808 quand, avant de décrire en alexandrins la machine à vapeur de Newcomen, il indique à ses lecteurs que « S’il n’est pas relevé, le sujet est nouveau ». Mais la poésie ne se contente pas de faire écho à la marche des sciences et des techniques ; elle prend parti. Ici, elle entonne la chanson du progrès, cherche à favoriser la diffusion des savoirs, les vocations de chercheurs ou l’activité des inventeurs. Là, elle médite de manière plus inquiète sur l’impact des innovations, s’interroge sur le primat croissant du confort matériel et de l’industrie, donne voix à l’angoisse créée par l’accélération de ces bouleversements ou par des théories comme l’évolutionnisme. Ailleurs enfin, elle conspue un orgueil scientiste et dénonce le simplisme, voire la charlatanerie des propos sur l’innovation. Cette poésie aujourd’hui largement oubliée a donc fait partie intégrante du discours social au prisme duquel le XIXe siècle a tenté de rendre compte de ses mutations, en fabriquant des représentations contradictoires de l’innovation et de ses acteurs. Or ces derniers eurent parfaitement conscience du rôle joué par la poésie dans la réception de leurs travaux, qu’il s’agisse des institutions officielles qui lancèrent des concours de poèmes sur des thèmes comme la vapeur, des savants qui, tel Cuvier, prêtèrent main forte à certains poètes scientifiques, des chercheurs qui rimèrent eux-mêmes sur leurs activités et leurs apports, ou encore des industriels qui payèrent des vers de réclame glorifiant leurs produits et leur inventivité. Après un panorama général de ces enjeux, incluant une réflexion sur les modalités d’articulation entre histoire des sciences et histoire littéraire, l’intervention se concentrera sur quelques exemples d’innovations particulièrement traitées en vers.

Membre honoraire de l’Institut universitaire de France, Hugues Marchal est professeur de littérature à l’université de Bâle. Il a dirigé l’anthologie Muses et ptérodactyles : la poésie de la science de Chénier à Rimbaud (Seuil, 2013) et codirigé le collectif en ligne La Poésie scientifique, de la gloire au déclin (Epistémocritique, 2014).